Au fil du temps, différents termes ont été inventés pour qualifier les formes et les éléments d’une police de caractères. Cela s’est fait dans tous les pays et dans toutes les langues. Et voici qu’à l’heure informatique, des termes anglais ont été ajoutés à ce mélange, créant la confusion la plus totale. Doit-on dire cursif, oblique, italique, régulier, romain ou normal ? Sur ce point, un consensus serait une bonne chose, mais il ne semble pas encore au programme. Nous allons donner la définition des termes employés dans ce livre, afin de clarifier au moins leur sens.
Une catégorie de polices de caractères est une collection de polices affichant des similitudes, par exemple les scriptes ou les manuaires. Une police de caractères ou une famille de caractères rassemble toutes les formes visuelles d’un caractère désigné par un seul nom. Par exemple Rockwell ou Helvetica. Une fonte est une variante d’une police, désignée également par sa graisse ou son style (comme l’italique d’une police standard). Une police contient donc des fontes différentes. Cela signifie que lorsque nous achetons une fonte pour notre ordinateur, nous n’achetons qu’une seule version d’une police. Mais la plupart du temps, les fontes originales d’une même police sont vendues ensemble (normal, italique, gras, italique gras).
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La police Serifa de Linotype dans toutes ses fontes disponibles.
Les 26 lettres de l’alphabet ne sont que la base des caractères qui composent une fonte. Une fonte ne pourrait pas être complète sans chiffres, signes de ponctuation, caractères spéciaux et accents. De plus, chaque langue possède sa ponctuation et ses ligatures spécifiques, que les dessinateurs concernés ont ajoutées à quelques fontes.
CAPITALES et bas de casse
Dans l’enseignement, on connaît aussi ces lettres sous le nom de capitales ou majuscules (le terme « haut de casse » existe, mais est peu utilisé) et minuscules. Les « capitales » viennent de l’écriture employée pour les inscriptions romaines taillées dans la pierre, à laquelle les lettres doivent souvent leurs caractéristiques raides et « sécables ». Les lettres minuscules ne sont apparues que plus tard dans l’écriture manuscrite.
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La police Trajan, dessinée par Carol Twombly pour Adobe, s’inspire des inscriptions romaines de la colonne Trajane de Rome (inaugurée en 113 après J.-C.).
La police Blado a été dessinée en 1923 par Stanley Morison d’après un caractère italique créé en 1526 par Ludovico degli Arrighi. Bien qu’il s’agisse d’une police en soi, elle a souvent été utilisée en combinaison avec le Poliphilus (au-dessus), que Morison a redessiné pour Monotype. Les italiques de Arrighi sont considérés comme la première écriture cursive destinée à l’imprimerie.
Les variantes
Le style italique d’une police semble avoir existé depuis toujours, mais ce n’est absolument pas le cas. L’italique n’est apparu que vers 1500, à la Renaissance, et tire son origine de la calligraphie manuscrite italienne de cette époque. L’italique a d’abord été utilisé comme un caractère en soi, dessiné d’après l’écriture cursive économique.
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Le Stempel Garamond Roman s’inspire de la police romaine taillée par Claude Garamond pour le livre Le Songe de Poliphile (edition Jacques Kerver, 1546). Claude Garamond s’était lui-même inspiré des caractères romains que Francesco Griffo avait taillés pour l’imprimeur Alde Manuce.
Les petites capitales
Les petites capitales sont une version plus petite des lettres capitales ; il ne s’agit pas de capitales de taille réduite, mais de vrais caractères créés dans un but précis. On les trouve souvent dans une certaine catégorie de familles comme les fontes Expert ou SC (small-caps). Le corps des caractères en petites capitales est légèrement plus grand que la hauteur d’x des lettres minuscules, et de graissage correspondant.
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Entre 1995 et 1999, de nombreuses fontes ont été ajoutées au Syntax crée par Hans Eduard Meier en 1954, dont les petites capitales (ci-dessus, deuxième ligne). Les petites capitales ont été introduites pour la première fois vers 1525. Plus tard, elles ont fait partie intégrante d’une police de caractères, au même titre que l’italique.
Ligatures, diphtongues et logotypes
Une ligature est une combinaison de deux caractères créés à l’époque de la composition au plomb lorsque par exemple la goutte du f rendait le caractère si large qu’il créait un trou avec la lettre suivante. Les logotypes sont des combinaisons de signes moins reconnaissables comme le ß allemand ou l’esperluette, le signe &. Ces combinaisons sont également construites sur des ligatures. Les diphtongues ou les voyelles liées sont rarement utilisées. On s’en sert généralement pour transcrire la prononciation spécifique d’un mot, comme dans « œil ».
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Les lettres e et t sont clairement visibles dans le symbole « & » du Demos Italic et du Galliard Italic. Dans l’Alega (tout à droite), le dessinateur a rendu moins visible la combinaison des deux lettres. Stricto sensu, cette combinaison-ci appartient à la catégorie des logotypes, tandis que les variantes Demos et Galliard sont des ligatures.
Morphologie du Bembo Semibold de Monotype. En rouge : une ligature avec les contours superposés des lettres f et i.
Chiffres
Il est communément admis qu’avec la naissance de l’écriture, on a également éprouvé le besoin d’exprimer des quantités. Les nombres que nous utilisons encore de nos jours sont nés en Inde quelques centaines d’années avant notre ère. À cette époque, l’algèbre hindoue utilisait un système nonaire très complexe, repris par les Arabes lors de leurs missions marchandes et conquêtes. Ces chiffres sont communément appelés « chiffres arabes », mais ne comprennent pas le zéro, sans lequel nous ne pourrions rien faire aujourd’hui, et qui ne sera introduit que plus tard.
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Plusieurs fontes de la police Profile offrent différents jeux de chiffres, comme les chiffres tabulaires (deuxième ligne) et les chiffres elzéviriens (ligne du haut), que l’on peut utiliser dans le corps du texte. Les chiffres elzéviriens de la troisième ligne sont espacés proportionnellement, comme on le voit dans les différentes largeurs proposées. Dans le cas des chiffres tabulaires, le graphiste a ajouté des empattements au 1 pour éviter des espaces bizarres. Le Profile contient aussi des chiffres spécialement dessinés (et non pas simplement réduits !) pour les fractions et les chiffres indices et exposants.
Signes de ponctuation
Une fonte contient généralement de nombreux signes de ponctuation, dont certains peuvent prendre des formes divergentes, comme les guillemets simples, représentés ci-dessous dans différentes polices. À l’instar des chiffres romains, les signes de ponctuation ont été utilisés dans notre système d’écriture avant les chiffres arabes. Virgules, points, pied-de-mouche et tirets étaient déjà utilisés dans les livres manuscrits, pour un plus grand confort de lecture.
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Les signes de ponctuations peuvent être très différents, comme l'on peut voir ci-dessus aux guillemets simples.
Les guillemets sont certainement la plus grosse pierre d’achoppement. Ils peuvent être ‘simples’ ou “doubles” – appelés parfois six-nine en anglais, à cause de leur forme et disposition – ou encore « français », utilisés »à l’envers« en Allemagne. Pour beaucoup de designers, la version ‘six-nine’ est la plus élégante, parce que le texte semble moins déformé visuellement et qu’elle comporte moins d’inconvénients. Dans le cas d’une citation à l’intérieur d’une citation, il existe plusieurs solutions. Le plus élégant dans ce cas est d’utiliser d’abord des guillemets doubles puis des guillemets simples pour la deuxième citation et vice-versa : ‘cette “citation” à l’intérieur d’une autre citation’.
Le guillemet simple, en particulier le guillemet fermant, a une autre fonction. Dans un mot comme « c’est » ou « aujourd’hui », il devient une apostrophe.
Le point est le signe de ponctuation le plus utilisé. Il marque la fin d’une phrase ou vient après une abréviation, mais les choses sont aussi très confuses en ce qui concerne le placement du point. Les abréviations ne sont pas nécessairement suivies d’un point, mais il est requis pour ca. (circa), etc. (et caetera) ou ibid. (ibidem, au même endroit). Les abréviations de mots composés prennent également un point sans espace entre les deux termes abrégés, comme p.ex. (par exemple) ou op.cit (opere citato, ouvrage cité). Si l’abréviation est un acronyme (prononcé comme un mot) comme Nasa, Otan ou Unesco, seule la première lettre prend une majuscule. Si l’abréviation est devenue un mot courant, comme laser ou ovni, il s’écrit en minuscules. Lorsque l’on abrège les jours, on n’emploie pas de point, mais la première lettre s’écrit en majuscule. Les jours sont abrégés en Lu, Ma, Me, Je, Ve, Sa et Di. Les mois en abrégés sont janv., févr., avr., juil., sept., oct., nov. et déc., mais mars, mai et août.
Le point n’est en général pas utilisé après les abréviations de noms.
Le point est aussi utilisé dans des suites de chiffres. Dans les pays anglophones, le point est utilisé comme séparateur décimal tandis que la virgule – ou, récemment, l’espace – est employée pour améliorer la lisibilité des très longs nombres. On écrira par exemple 14,300.90 et 22,356 ou 22 356. Mais en français, on emploie normalement une espace, quoique l'on voit de plus en plus un point, ce qui donne donc 22 356 ou 22.356.
La virgule est, après le point, l’un des principaux signes de ponctuation. C’est aussi l’un des plus difficiles à utiliser, car il faut avoir un grand sens de l’écriture pour la placer correctement dans une phrase. Cette responsabilité revient donc à l’écrivain. L’usage de la virgule peut agrémenter la lisibilité d’un texte, mais la pratique montre qu’elle est beaucoup trop utilisée.
Il est difficile de savoir quand employer le point-virgule, que l’on remplace souvent par un point ou une virgule, même lorsqu’il serait le plus indiqué. Le point-virgule sert tout d’abord à mettre en relation deux expressions indépendantes ; secondement, il est utilisé pour séparer les termes d’une énumération. Chaque élément de l’énumération est suivi d’un point-virgule, jusqu’au dernier qui est suivi d’un point.
Le double point est plus facile à utiliser. Il sert à annoncer une citation, une explication, une description, une explication ou une conclusion. Le texte suivant un double point commence en minuscules, sauf si la citation commence par un nom propre. Comme nous l’avons vu plus haut, le double point est aussi utilisé dans certaines représentations de l’heure.
Le point d’interrogation se place d’habitude à la fin d’une phrase, avec espace entre le dernier mot et le signe. Dans le cas d’une citation, on applique les mêmes règles que pour le point.
Le point d’exclamation est utilisé de deux manières : après une exclamation, et pour marquer l’emphase. Il se place lui aussi avec espace à la fin d’une phrase. Le point d’exclamation est parfois doublé d’un point d’interrogation pour montrer l’intonation emphatique de la question.
Les parenthèses sont utilisées pour clarifier, expliciter, ajouter, ou indiquer une référence. Par exemple : Taschen (Cologne) recherche un(e) rédacteur(ice) online (www.taschen.com). Il va de soi que l’on ne peut pas avoir autant de parenthèses dans une phrase, mais dans ce cas, nous les avons utilisées à titre d’exemple. Les crochets sont une variante des parenthèses. Ils sont généralement utilisés pour indiquer […] une coupure dans un texte cité, ou pour introduire une explication qui ne figure pas dans le texte original
La barre oblique, ou slash, s’est offert une seconde jeunesse depuis l’avènement d’Internet. Si le signe slash indique le renvoi à un sous-dossier dans l’arborescence d’un site, il a d’autres fonctions typographiques : l’expression alternative (m/f), l’abréviation (c/o) ou le retour à la ligne lorsque l’on cite une pièce de théâtre, un poème, etc. Dans les dictionnaires, la transcription phonétique des mots est également placée entre deux barres obliques. La barre oblique peut aussi servir en programmation, comme pour séparer les éléments d’une adresse Internet ou pour signaler des numéros de page dans un index. La barre oblique inversée, ou backslash (\), est un symbole qui est apparu pour la première fois en 1961 sur un clavier ASCII pouvant être utilisé avec l’ordinateur Stretch d’IBM. Légèrement plus inclinée, la barre oblique devient une barre de fraction, logiquement utilisée pour les fractions : ¼, 2/16.
La barre verticale (|) n’apparaît quasiment jamais dans du texte normal, mais est parfois utilisée par les graphistes comme élément de style.
Voici à présent le trait d’union et les tirets. Ils méritent que l’on leur porte attention, car ils sont souvent mal employés. De plus, ils ont différentes longueurs. Mais les tirets sont avant tout utilisés pour la césure des mots. L’autre usage du tiret court est le trait d’union. On ajoute un trait d’union lorsque deux consonnes ou deux voyelles se prononcent séparément, à l’inverse d’une diphtongue, comme cheval-vapeur ou anti-américain. On peut aussi l’employer pour éviter toute confusion lors de la lecture, par exemple, du mot mi-août ou longue-vue (et non pas miaou ni vue qui est longue). Le trait d’union sert à former des mots composés et à relier des chiffres et des mots dans des phrases adjectivales. Enfin, le tiret sert parfois pour écrire des dates
(9-8-1956), mais on utilise plus souvent les barres obliques et les points.
Le tiret ou le tiret demi-cadratin est plus long que le trait d’union et sert à encadrer une incise ou marquer une rupture soudaine : « Malheureusement, le document à examiner – que vous avez reçu par courriel – n’est plus à l’ordre du jour ». On peut utiliser des virgules à la place de ces tirets, ou même mettre la phrase entre parenthèses.
On a utilisé des tirets pour les dates ci-dessus, mais des demi-cadratins pour les autres valeurs. Lorsque l’on utilise un tiret pour remplacer le mot « à », il est délimité par une espace fine (quart-cadratin). Lorsque l’on indique une température négative, on met une espace (demi-cadratin) devant. Selon le système utilisé, il n’est pas toujours possible d’ajouter une espace fine. Mais on peut le faire facilement en divisant par deux la force de corps de l’espace. Si l’on travaille en corps 24, le corps de l’espace sera 12.
Le tiret cadatrin s'emploie surtout dans les dialogues afin de marquer le changement d'interlocuteur.
Le tiret bas (_) est un tiret placé légèrement en dessous de la ligne de pied et a la même longueur qu’un demi-cadratin. Ce signe est souvent utilisé dans la composition des noms de sites Internet.
Il resterait encore de nombreux signes de ponctuation à étudier, mais nous avons passé les plus usités en revue. Avant de choisir une police de caractères pour une commission ou pour une identité d’entreprise, il est conseillé de bien étudier ses signes de ponctuation, car ils n’ont rien d’accessoire dans les textes et en influencent l’esthétique.
Les accents
Ce sont des signes appelés diacritiques qui donnent un autre son ou une autre accentuation à un mot. Il y a une différence entre les accents courants et des accents plus rares, comme ceux des langues d’Europe centrale, qui ne sont pas ou plus disponibles dans toutes les polices de caractères.
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Autres caractères courants
Des fontes spéciales, les Pi-fonts (ou fontes casseaux), ont été créées pour illustrer des lettres et des caractères qui ne figurent pas dans une fonte, mais qui reviennent souvent. Des exemples de ces fontes sont les Zapf Dingbats, qui contienent toutes sortes de symboles, et le Symbol, qui propose de nombreux caractères plus scientifiques.
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Systèmes de mesure
En typographie, plusieurs systèmes de mesure ont coexisté à côté du système métrique. En Europe continentale, on utilisait le système Didot, mis au point à l’époque de la composition au plomb, tandis que les Anglais et les Américains préféraient le point pica. Le pouce a toujours été à la base des mesures utilisées pour les machines à écrire et les imprimantes (matricielles). L’informatisation et l’imprimé en continu aidant, le pouce a fait son entrée dans l’industrie graphique. Au total quatre systèmes de mesure graphiques sont en usage.
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Système métrique ou décimal
Contrairement aux autres systèmes en typographie, il est basé sur le nombre dix. Lors d’un congrès international tenu à Paris en 1795, il fut décidé que le mètre mesurait la quarante-millionième partie de la circonférence de la Terre (malheureusement, nous ne savons pas qui a effectué cette mesure). Le mètre étalon en platine déposé à Sèvres fut reconnu internationalement en 1889, sauf par l’Angleterre, le Commonwealth et les États-Unis.
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Système Didot
Le fondeur parisien Fournier est à l’origine de ce système qu’il basa sur le pied de Paris. Il conçut un système duodécimal que le fondeur Didot modifia par la suite. Le point de Fournier était légèrement inférieur au point Didot, qui lui, était basé sur le pied du roi, une mesure légale dans toute la France. Le cicéro vaut 12 points Didot.
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Système pica
Le système pica est la contrepartie anglo-saxonne du système Didot. C’est également un système duodécimal divisé en 12 points. Le pica est plus petit que le Didot. Si le système pica génère autant de confusion, c’est parce qu’il n’y a pas d’étalon international. Le pica est devenu l’unité la plus courante parce que les imprimantes utilisées dans l’industrie graphique sont souvent de fabrication américaine. Selon le United Bureau of Standards, un pica mesure 0,351461 mm.
Mais attention, les points mentionnés dans ce livre correspondent aux points pica utilisés dans les programmes informatiques. Ce point mesure un 72e de pouce et est égal à 0,352777 mm.
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Le pouce
Le pouce est l’unité de base du système duodécimal anglo-saxon. Sa longueur a été définie à 25,4 mm.
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Le typomètre Mackie M, édité en 1997, est une version métallique plus grande de la réglette de La fontaine aux lettres. Sur la photo figure la version allemande. Photo : Joep Pohlen.
Le corps
Le corps, tel que nous l’utilisons encore aujourd’hui, est une mesure issue directement de l’ère du plomb. Afin d’éviter que les jambages supérieurs et inférieurs des lignes successives se touchent, la taille du bloc typographique fut légèrement augmentée. La hauteur du caractère typographique en plomb était exprimée en points ; dans les pays anglo-saxons, c’était des points pica, sur le continent européen, des points Didot. Comme toute l’épaule du caractère mobile est considérée comme surface de création, les créateurs dessinent des caractères avec des œils différents.
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L’Adobe Garamond (à gauche) a un œil beaucoup plus petit que le grotesque américain NewsGothic à droite. Tous deux ont un corps de 145 pts. L’exemple montre bien la hauteur d’x importante, caractéristique des polices américaines. Il est clair qu’un Adobe Garamond de corps 9 a un rendu nettement plus petit qu’un NewsGothic de corps 9.
Mesure du corps et de l’interligne
Dans la typographie au plomb, si on souhaitait insérer plus de blancs entre les lignes, il fallait placer une lame d’un ou plusieurs points entre les lignes composées de caractères en plomb. Ce blanc supplémentaire était appelé interligne. L’interligne (ou interlignage) désigne également la distance entre le bas de la hauteur d’x de deux lignes consécutives.
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Les caractères et leur classification
Les différentes tentatives pour cataloguer de façon logique la multitude de caractères existants ont bien produit quelques classifications fort utiles, mais aucune ne s’avère entièrement satisfaisante. L’une se base sur la chronologie, tandis qu’une autre s’appuie sur des critères de forme. Une troisième s’intéresse à la filiation avec les écritures manuscrites. Les classements peuvent par ailleurs s’inscrire dans une démarche purement théorique, ou avoir une fonction de recherche pragmatique. Sur cette page nous allons examiner quelques-unes des classifications de caractères.
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La classification de caractères la plus usitée, celle du Français Maximilien Vox datant de 1954.
Dans ce livre, nous nous intéressons à la classification acceptée universellement, celle du Français Maximilien Vox qui vit le jour en 1954. Cette classification basée sur le style graphique intègre aussi une composante chronologique. Elle a été adoptée en 1962 par l’Association Typographique Internationale (ATypI). En Allemagne, elle a été reprise par la norme DIN 16518 en 1964, et en Grande-Bretagne par le British Standard 2961 en 1967.
De nombreux caractères créés après 1954 restent cependant sur la touche, même avec cette classification. Pour qu’ils puissent intégrer les rangs des caractères classifiés, nous avons légèrement adapté et élargi le système Vox. C’est surtout le groupe des caractères sans empattements (ou sans serif, ou bâton) qui s’est considérablement agrandi, aussi l’avons-nous subdivisé en quatre sous-catégories, rééquilibrant ainsi la répartition des caractères avec et sans empattements conformément à la situation actuelle.
Vox+
Une version modifiée de la classification Vox est traitée ci-dessous en détail. Comme les noms peuvent différer dans divers pays, nous avons également ajouté les noms français et allemands. Comme mentionné précédemment, nous avons fait quelques ajouts à la classification initiale conçue par Maximilien Vox. C'est pourquoi nous l'appelons Vox+.
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Vox+1
L’utilisation des caractères sans empattement a fortement augmenté depuis le début de l’informatisation. Il nous a donc semblé nécessaire de développer cette catégorie de la classification. Les différences de forme ayant un rôle encore plus important dans la classification Vox+ que dans la version originale, la chronologie est passée au second plan.
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1.1 Les Humanes [anglais : Humanistic, allemand : Venezianische Antiqua]
Les caractères d’imprimerie latins les plus anciens, vénitiens pour la plupart, voient le jour à la fin du quinzième siècle et sont basés sur l’écriture des humanistes. Celle-ci est dérivée de la minuscule caroline du neuvième siècle. Le graveur français Nicolas Jenson, établi à Venise, était l’un des premiers, en 1470, à graver un caractère humaniste avec un dessin très travaillé. Il est considéré généralement comme l’exemple type de la première catégorie de caractères d’imprimerie que nous utilisons toujours aujourd’hui : les humanes.
Omnibus Jenson Classico (Cette police, créée par Franko Luin d’après le modèle de Nicolas Jenson du quinzième siècle, est diffusée par Linotype Library.)
1.2 Les Garaldes [anglais : Garaldes, allemand : Französische Renaissance-Antiqua]
Apparue à l’époque de la Renaissance française, son appellation est une contraction du nom du fondeur français Claude Garamond et de celui de l’imprimeur vénitien Alde Manuce. Les premières garaldes étaient dérivées des humanes, mais elles sont plus raffinées.
Monotype Bembo (Stanley Morison dessina ce caractère en s’inspirant de celui qui fut utilisé pour la première fois dans De Aetna du cardinal Pietro Bembo en 1496. Remarquez la capitale R caractéristique du Bembo.)
1.3 Les Réales [anglais : Transitionals, allemand : Barock-Antiqua]
Les réales apparaissent au milieu du dix-huitième siècle, au début de l’époque néoclassique. Les caractères sont souvent créés pour une application particulière. Leur tracé est plus rigoureux et plus précis que celui des catégories précédentes. Ils sont considérés comme les premiers caractères d’imprimerie construits à l’aide de la typométrie. Les réales marquent la transition entre la Renaissance et le néoclassicisme, ce qui explique que certains caractères tiennent des garaldes, et d’autres des didones
Monotype Baskerville (Police créée par John Baskerville en 1757. Bien qu’il ne fût pas un grand succès commercial en Angleterre, le Baskerville était fort admiré et souvent imité sur le « continent ».)
1.4 Les Didones [anglais : Didones, allemand : Klassizistische Antiqua]
Ce sont des caractères à empattement de la fin de l’époque néoclassique, dont le nom est une contraction de Didot, une famille d’imprimeurs français, et de Bodoni, imprimeur italien à Parme. La police Bodoni, créée par Giambattista Bodoni, surnommé « le roi des typographes », ou « l’imprimeur des rois », est considérée comme l’aboutissement des didones.
Bauer Bodoni et Omnibus Bodoni Classico (Le Bauer Bodoni (en haut) de Heinrich Jost est considéré comme une des plus belles variantes du Bodoni original figurant dans le Manuale Tipografico. Le Bodoni Classico montre la version de Franko Luin avec ses empattements et ses déliés légèrement épaissis pour les petits textes.
1.5 Les Mécanes [anglais : Slab-serifs, allemand : Serifenbetonte Linear-Antiqua]
Les mécanes sont des caractères construits, ayant un faible contraste pleins-déliés. Certaines mécanes sont appelées égyptiennes à cause de la fascination pour l’égyptologie du moment, suscitée par la campagne d’Égypte de Bonaparte. Curieusement, la personnalité de ces caractères n’a rien d’égyptien. La police Clarendon est tellement typique pour cette catégorie, que dans certaines classifications anglaises, le nom de mécanes a été remplacé par Clarendon.
Clarendon Light (b) (Dessiné en 1953 par Hermann Eidenbenz pour Haas, dérivé d’une version de Robert Besley de 1845. La version ci-dessus est de Bitstream.)
1.6 Les Linéales Humanes [anglais : Humanistic sans-serifs, allemand : Serifenlose humanistische Linear-Antiqua]
Les linéales sont des caractères bâtons (sans empattements) qui semblent être construits à la règle et au compas. Comme son nom l’indique, elles sont basées sur la ligne. Elles furent lancées pour la première fois au début du dix-neuvième siècle (Caslon Foundry, 1812/14). À l’origine, il ne s’agissait que de capitales. Les premières bas de casse apparurent en Allemagne vers 1830. À la fin du dix-neuvième siècle, chaque fonderie digne de ce nom proposait plusieurs polices sans serif en différentes déclinaisons. Les linéales humanistes se distinguent par le fait que leurs proportions s’apparentent, pour les capitales, aux capitales romaines classiques, et pour les bas de casse, aux écritures manuscrites humanistiques.
Gill Sans (Dessiné en 1928 par Eric Gill pour Monotype.)
1.7 Les Linéales Classicistes [anglais : Neoclassical sans-serifs, allemand : Serifenlose klassizistische Linear-Antiqua]
Les linéales néoclassiques apparaissent à l’époque de la typographie fonctionnelle de l’école suisse, peu après la Seconde Guerre mondiale. L’utilisation courante des caractères bâtons fut inaugurée par la parution en 1957 de l’Helvetica, créé par le Suisse Max Miedinger. À l’origine, ce caractère parut en 1957 sous le nom de Haas Grotesk chez la fonderie Haas’sche Schriftgießerei.
Neue Helvetica (Dessiné par Max Miedinger en 1957 pour la Haas’sche Schriftgießerei.)
1.8 Les Benton-Linéales [anglais : Benton-sans-serifs, allemand : Serifenlose Benton-Linear-Antiqua]
Ces linéales sont aussi appelées grotesques américaines. Le prototype de ce groupe est le Franklin Gothic de Morris Fuller Benton. Les linéales grotesques sont étroitement apparentées aux linéales néoclassiques.
Franklin Gothic Book (Dessiné en 1903 — 1912 par Morris Fuller Benton pour American Type Founders.)
1.9 Les linéales géométriques [anglais : Geometric sans-serifs, allemand : Geometrische serifenlose Linear-Antiqua]
Les linéales géométriques semblent être construites à la règle et au compas. Il faut une grande maîtrise pour produire une typographie bien lisible avec ce genre de caractères. La typographie fine – la définition des approches, des interlignes – prend ici toute son importance.
Futura (Dessiné en 1927 par Paul Renner pour la Bauersche Gießerei.)
1.10 Les Incises [anglais : Glyphics, allemand : Antiqua-Varianten]
Les incises renvoient aux lettres taillées dans la pierre ou gravées dans le métal, les « lettres incisées ». Leur allure est souvent monumentale, leur dessin puissant, solide et sobre, adapté aux contraintes du matériau dans lequel elles sont inscrites.
Monotype Albertus (Berthold Wolpe créa cette police de 1932 à 1940 pour Monotype. Les formes montrent bien qu’il se basa sur des lettres gravées dans du bronze ; sa technique consistait à enlever de la matière autour de la lettre. Puis, il dessinait les lettres en suivant leur tracé extérieur, et non, comme c’est généralement le cas, au départ de la forme-même de la lettre.)
1.11 Les Scriptes [anglais : Scripts, allemand : Schreibschriften]
Ces caractères, le plus souvent inclinés, semblent écrits à la main. En général, ils sont difficiles à employer en texte plein. Contrairement aux manuaires (voir 1.12), les scriptes sont numérisées tout en voulant imiter l’écriture cursive.
Linotype Shelley Andante (Dessiné en 1972 par Matthew Carter pour Mergenthaler Linotype.)
1.12 Les Manuaires [anglais : Graphics, allemand : Handschriftliche Antiqua]
La distinction entre scriptes et manuaires n’est pas toujours facile à expliquer et à percevoir, mais les appellations allemandes peuvent nous y aider. Le terme Schreibschriften, ou « caractères écrits », utilisé pour les scriptes, renvoie à leur origine, mais aussi à la transposition d’une écriture manuscrite fluide en un type graphique de caractères en plomb ou numérisés. L’expression Handschriftliche Antiqua, ou « antique à caractère manuscrit » pour les manuaires, évoque une tout autre origine. Les « antiques » font référence aux caractères dérivés des romains des catégories 1.1 à 1.10.
Adobe Tekton (Dessiné par David Siegel en 1989 d’après un lettrage à la main de l’architecte américain Frank Ching. Logiquement, le Tekton est destiné à l’utilisation dans des dessins d’architecte et des maquettes de projets.)
1.13 Les Caractères Brisés ou à Fractures [anglais : Gothic Types, allemand : Gebrochene Schriften]
Dans le langage courant, ces caractères sont aussi appelés « gothiques », d’après l’art et l’architecture gothique du Moyen Âge, lorsque l’écriture manuscrite des minuscules est devenue plus étroite et plus anguleuse. D’autres styles développés plus tard à partir de ces premières formes sont également appelées gothiques. Ces lettres ont une forme pointue et anguleuse et les courbes brisées. Elles affichent une esthétique ornementale, mais qui les rend aussi difficiles à lire.
Cloister Black de Kingsley/ATF (Dessiné en 1904 par Morris Fuller Benton et John W. Phinney.)
Vox+2
La terminologie utilisée dans la classification des polices de titrage (display) de la série 2 a un caractère international voulu, car les polices n’ont pas de connotation « communautaire » spécifique, que ce soit européenne, américaine ou autre. Le style, la fracture, les aspects de typographie fine, tels que le crénage et l’espacement, et la présence de signes (diacritiques), sont des éléments dont les dessinateurs de cette catégorie de polices ne tiennent pas toujours compte.
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2.1 Déco-Rétro
Ces polices ont été créées pour attirer l’attention dans des publicités et des lettrages pour la promotion de produits de consommation. Elles sont ostentatoires et conformes au goût du jour, tout en restant assez lisibles. La « couleur » du caractère est adaptée à la nature de l’article proposé. Des exemples typiques de cette catégorie sont les polices Art déco, mais aussi les polices « Western » ou « fifties ». Les réinterprétations de ces polices sont souvent destinées à évoquer une période ou un cadre particuliers.
2.2 Typographique
Polices ayant de nombreux points communs avec les caractères classiques de Vox+1. Leur utilisation comme police de texte est cependant à restreindre. En effet, soit leur typographie est trop agitée, soit elles n’ont que des capitales et sont donc incomplètes, soit elles constituent une interprétation volontairement provocatrice d’un type classique. Le Radiorama de la fonderie espagnole Type-Ø-Tones, par exemple, est une adaptation facétieuse de l’Helvetica, rajoutant un empattement par ci, écourtant une lettre par là, sans modifier la largeur des lettres ou l’épaisseur du trait.
2.3 Destructure
Ces polices procèdent en partie de mouvements contestataires du début des années 1990 tels que le punk. En général, il s’agit de caractères fabriqués à la hâte, en prenant un caractère existant, qui est ensuite altéré, grignoté ou déformé manuellement ou numériquement.
2.4 Techno
Ce sont des polices rigides, qui semblent parfois être découpées dans du métal ou fabriquées en métal coulé, et composées de modules. À mieux y regarder, on s’aperçoit que ce n’est pas le cas, mais qu’un certain nombre de formes de base se répètent.
2.5 Modulaire
Ces polices sont mises au point à l’aide d’une forme modulaire de base.
Emigre fut l’un des premiers ateliers à s’essayer à ce genre de typographie et les résultats des essais furent présentés dans le premier numéro du magazine Emigre. Des exemples sont le Modula et l’Emperor datant de 1985.
2.6 Fantaisie
Cette catégorie regroupe les polices festives, ornées, ou exprimant d’autres plaisirs ostentatoires.
Vox+3
L’expression « pi » dans pi-font date de l’époque de la composition au plomb. Pi est une expression de la typographe anglaise signifiant une quantité de caractères en plomb non classés (pile – tas), alors que chaque caractère a une place bien définie dans une casse. Aussi la plupart des Pi-fonts sont-elles des fourre-tout comprenant toutes sortes de signes et de symboles. Bien que les fontes casseaux (pi-fonts en anglais) sont souvent thématiques, elles n’ont pas une place facilement repérable sur le clavier. Il n’y a pas d’autres solutions que de procéder par tâtonnement ou d’utiliser la palette de glyphes.
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3.1 Les ornements
Les ornements sont de tous les temps, et bien avant l’invention de l’imprimerie, ils étaient utilisés dans les livres manuscrits pour « enluminer » les pages. Les écrits du Moyen Âge étaient ornés de magnifiques lettrines. Des ornements mexicains du Codex Borgia aux graffitis de Keith Haring, en passant par les fresques cambodgiennes, les exemples sont légion.
Sagember (Dessiné en 1994 par Marcus Burlile pour T-26.)
3.2 Les symboles
Les symboles sont sans nul doute les fontes casseaux (Pi-fonts) les plus utilisées. Ils servent dans les formules, la signalétique, la cartographie, les listes à puce pour structurer un texte.
FF Dingbats Arrows One (Dessiné en 1994 par Johannes Erler pour FontShop.)
3.3 Les pictogrammes
Ce sont des signes qui demandent plus d’imagination de la part du lecteur que les symboles. Les pictogrammes, du latin pictus, « peint » et du grec gramma, « lettre », sont des images stylisées qui véhiculent une indication ou un renseignement. Ils sont presque toujours décoratifs et portent la marque de leur créateur. On les appelle aussi fontes clip-art.
Zeitguys One (Dessiné en 1994 par Eric Donelan et Bob Aufuldish pour Emigre.)
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